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Mis à jour le 16 août 2021

En termes de questionnaires, on a tendance à voir le monde en noir et blanc, en questions ouvertes (longues et difficiles) et questions fermées (rapides et simples). Mais le type de la question n’est pourtant pas le plus important : la perception d’une question par les participants dépendra surtout du mécanisme de réponse utilisé ! Je vous présente les différents mécanismes existants, et comment les utiliser pour optimiser l’expérience utilisateur, limiter la survey fatigue et obtenir de meilleurs résultats !

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Les mécanismes de réponse, c’est quoi ?

Tout part d’un constat : la dichotomie questions fermées/questions ouvertes est largement insuffisante. Elle est en effet loin de représenter la subtilité réelle de la variété de questions existantes, et de prendre en compte l’effet de la combinaison des questions sur les participants, dans toutes les opportunités qu’elle présente et tous les pièges qu’elle tend.

On classe parfois également les questions selon le mot interrogatif qu’elles emploient. Il y a les « quand », les « où », les « quoi », les « comment », les « pourquoi »… Mais ce classement reste relativement artificiel, la plupart des questions ne comportant pas de mots interrogatif, et ceux-ci pouvant de toute façon être trompeurs ou interchangeables.

J’ai développé le modèle des mécanismes de réponse en 2015 pour tenter dépasser ces distinctions superficielles entre les questions. Comme leur nom l’indique, les mécanismes de réponse s’intéressent à la dynamique que crée une question chez le participant lorsqu’il y répond. Selon le mécanisme, il sera plus ou moins simple et plus ou moins stimulant pour le participant de répondre, les deux fonctionnant généralement en sens inverse : une question très simple sera rarement stimulante, alors que les questions les plus stimulantes demandent un certain investissement de la part des répondants.

Les mécanismes de réponse

Je classe les mécanismes en 3 catégories. Je présente ci-dessous les mécanismes du plus au moins simple, donc par niveau de stimulation croissant. En voici une vue d’ensemble :

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Les mécanismes accessibles

Les questions utilisant un mécanisme accessible sont très simples pour les participants. Elles sont notamment idéales pour débuter un questionnaire avant d’aborder les questions plus difficiles, mais aussi pour ménager des “pauses” entre deux questions plus exigeantes.

  • Avantages : bien que simples, ces questions n’en sont pas moins utiles, et sont même incontournables dans beaucoup de questionnaires.
  • Inconvénients : ces questions accessibles ont tendance à donner au répondant l’impression qu’il n’a qu’une faible valeur ajoutée : veillez donc à les compléter par d’autres mécanismes !

Les mécanismes accessibles sont :

Faits

Le participant doit se rappeler objectivement d’un fait. Ce mécanisme englobe toutes les questions factuelles, et peut concerner plusieurs cas de figure, et notamment :

  • Les quiz (non, ça ne prend pas deux z 😉), où les participants doivent trouver une ou plusieurs bonnes réponses, souvent parmi un choix d’options. Exemples :
    • Quel a été notre chiffre d’affaires l’année dernière ? 3 M€, 13 M€, 42 M€, 50 M€
    • Quelles sont les valeurs de la République Française ? Fraternité, Égalité, Équité, Liberté, Propriété
    • Quel est, en kilomètres, la circonférence de la Terre ?
    • Citez les valeurs de l’entreprise.
  • Les questions de segmentation, qui visent à mieux cerner la catégorie auquel un participant appartient. Exemples :
    • Quelle est votre tranche d’âge ? Moins de 18 ans, 18-25 ans, 26-35 ans, 36-55 ans, 56-70 ans, plus de 70 ans
    • Quel est votre département de résidence ?
    • Dans quelle direction de l’entreprise travaillez-vous ?
  • Les questions d’utilisation, souvent utilisées dans des enquêtes clients ou utilisateurs, ou dans les études de marché, pour mieux comprendre le marché, le besoin ou l’utilisation d’un produit ou service.
    • En semaine, prenez-vous généralement un petit déjeuner le matin ? Systématiquement, La plupart du temps, Parfois, Exceptionnellement, Jamais
    • A quelle fréquence utilisez-vous notre produit ? Tous les jours, Toutes les semaines, Tous les mois, Moins souvent
    • Dans lesquelles de ces boutiques en ligne avez-vous commandé au cours des 6 derniers mois ? Amazon, Fnac, Cdiscount, Aucun des choix proposés

Les questions factuelles utilisent la plupart du temps des questions fermées, mais elles se présentent parfois sous la forme de questions ouvertes.

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Jugement

Ici, le participant ne donne plus une réponse factuelle, il doit faire intervenir son jugement pour départager les options qui lui sont proposées, et en choisir une ou plusieurs. Le mécanisme de jugement peut intervenir dans de très nombreux cas :

  • Les cas de notation, au sens large, sont archi majoritaire dans les questions jugement. Exemples :
    • A quel point êtes-vous satisfait de notre produit ? Pas du tout satisfait, Plutôt pas satisfait, Neutre, Plutôt satisfait, Totalement satisfait (je vous explique ici pourquoi j’utilise cette échelle)
    • Sur une échelle de 0 à 10, recommanderiez-vous notre enseigne à un collègue ou un ami ?
    • Votre manager est disponible pour vous quand vous avez besoin de lui : Pas du tout d’accord, Plutôt pas d’accord, Neutre, Plutôt d’accord, Tout à fait d’accord, Non concerné (vous vous demandez pourquoi j’ai mis un “non concerné” ? Par ici !)
  • Les autres cas d’évaluation :
    • Comptez-vous acheter un téléviseur dans les 6 prochains mois ? Absolument pas, Probablement pas, Ne sait pas, Probablement, Certainement
    • D’ici combien de temps comptez-vous acheter (ou vous faire offrir) votre prochain smartphone pour votre usage personnel ? Moins d’un an, 1 à 2 an, 3 à 4 ans, Plus de 4 ans, Jamais, Ne sait pas
  • Les choix autres que les notations et évaluations, qui amènent à sélectionner une ou plusieurs options proposées :
    • Lesquels de ces qualificatifs s’appliquent selon vous à notre produit ? Indispensable, Pratique, Utile, Facile à utiliser, Innovant, Beau, Autre (précisez)
    • Lesquels de ces facteurs ont été déterminants dans le choix de notre enseigne plutôt qu’une autre ? La proximité de votre domicile, La proximité de votre lieu de travail, La taille du magasin, Le design du magasin, L’amabilité du personnel, Le choix proposé, Les prix proposés, Autre (précisez)
    • Laquelle de ces boutiques en ligne préférez-vous ? Amazon, Fnac, Cdiscount, Aucun des choix proposés

Les questions jugement sont quasi uniquement utilisées avec des questions fermées, mais elles peuvent aussi faire intervenir des types de questions plus “exotiques”, tels que les questions classement. Les deux dernières questions ci-dessus auraient par exemple pu demander de classer les boutiques par ordre de préférence et les facteurs par ordre d’importance (mais *spoiler* : je ne vous conseille pas d’utiliser une question classement).

J’ai cependant tendance à déconseiller les questions “choix”, que je vous recommande de remplacer par des questions “notation” et “évaluation”. Plutôt que de demander à choisir entre plusieurs options, la meilleure solution est souvent de demander d’évaluer ces différentes options l’une après l’autre. C’est plus simple pour les répondants, et plus riche d’enseignements pour vous !

Sentiment

Le mécanisme de sentiment est un peu plus subtil, puisqu’il vise à qualifier un élément, une expérience, un ressenti… Le participant doit donc effectuer une mini introspection pour mettre des mots sur son ressenti :

  • Dans quel état d’esprit êtes-vous avant de commencer ce séminaire ?
  • Que ressentez-vous lorsque vous arrivez au travail ?
  • Qu’avez-vous ressenti lors de cette difficulté dans l’installation de notre produit ? Frustration, Colère, Tristesse, Panique, Autre (précisez)

Si ces questions peuvent être utiles dans des enquêtes clients, utilisateurs, collaborateurs ou études de marché, elles sont toutefois à double tranchant. En effet, la poser sous forme de question ouverte, en demandant donc au participant de trouver lui-même le mot à employer, demandera un énorme effort (l’exercice de mettre un mot sur un sentiment n’est en effet pas simple).

Les questions fermées sont sur le papier plus simples pour le répondant pour poser une question “sentiment”. Mais il s’agit d’un terrain glissant, puisque l’on voit très souvent pour ce type de questions des options mal formulées, trop proches les unes des autres, utilisant des termes qui ne sont pas compris par tout le monde, ou encore étant loin de couvrir le champ des possibles. Si vous utilisez une question fermée, je vous recommande donc très fortement de laisser les participants sélectionner plusieurs réponses à la fois s’ils le souhaitent, et d’ajouter une réponse “autre” libre.

Dans l’ensemble, les questions “sentiment” sont bien moins utilisées que les mécanismes précédents.

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Les mécanismes intermédiaires

Les questions utilisant un mécanisme intermédiaire demandent un peu plus d’efforts aux participants, mais elles sont aussi plus stimulantes et gratifiantes pour eux.

  • Avantages : ces questions permettent d’aller plus loin que les mécanismes accessibles en donnant une meilleure compréhension du sujet : on peut commencer à s’intéresser au “pourquoi”, “au “comment”, et aller au-delà des notes, faits et ressentis fournis par les questions accessibles. Elles préparent également le terrain pour les questions puissantes, en mettant tout le monde à niveau, ou en définissant un problème avant de s’attaquer à sa résolution.
  • Inconvénients : les mécanismes intermédiaires demandent plus d’efforts aux répondants. Contrairement aux idées reçues, cela ne signifie pas que les répondants ne prendront pas la peine d’y répondre. Même s’il s’agit de question ouvertes ! Mais pour leur simplifier la tâche, vous devez utiliser intelligemment ces questions : avec parcimonie, sur les sujets importants, et en alternant avec des questions accessibles pour préparer les participants et leur permettre de souffler.

Les mécanismes intermédiaires sont :

Synthèse

On utilise ce mécanisme lorsque l’on demande aux participants de résumer ou reformuler quelque chose, de définir un terme. Cela peut faire appel à des connaissances générales ou spécifiques, que l’on maîtrise depuis longtemps ou que l’on vient d’acquérir (y compris dans le questionnaire lui-même). Ce mécanisme sert notamment à poser clairement un sujet avant de s’y attaquer. Cette étape est ainsi essentielle, sous peine d’interroger les participants sur des concepts aux contours flous, ou induisant des différences de compréhension de l’intitulé. Voici quelques exemples de questions de synthèse :

  • Comment définiriez-vous la décarbonisation ?
  • Qu’avez-vous envie de retenir de cette présentation ?
  • Qu’est-ce qui vous a marqué dans cette présentation ?
  • Qu’avez-vous aimé dans cette soirée ?
  • Qu’est-ce qui vous a surpris dans cet échange ?
  • Résumez en une phrase l’objectif du plan stratégique qui vous a été présenté
  • Quels points auraient besoin d’être clarifiés ?

Ce mécanisme utilise exclusivement des questions ouvertes.

Analyse

Ce mécanisme consiste à tirer des conclusion de l’analyse d’une situation connue. Cela permet notamment d’évaluer la situation existante, d’identifier des besoins ou des manques, de déterminer les forces et faiblesses, de comprendre les résultats d’une question utilisant un mécanisme accessible (faits, jugement ou sentiment)… En voici quelques exemples :

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  • Quelles difficultés rencontrez-vous dans l’utilisation d’outils numériques ?
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Les questions d’analyse sont exclusivement des questions ouvertes.

Les mécanismes puissants

Pour finir, les mécanismes puissants doivent être utilisés avec beaucoup de parcimonie puisqu’ils demandent un fort investissement de la part des participants. Mais ils ne sont pas à éviter à tout prix, au contraire ! Ce sont en effet les meilleurs pour stimuler et engager les participants ! Ils doivent cependant être introduits convenablement avec des questions accessibles et intermédiaires : poser d’emblée une question puissante se révélera être une marche trop haute à monter d’un seul coup.

  • Avantages : ces questions ne sont pas nommées puissantes pour rien ! Bien utilisées et introduites, elles donnent des résultats riches et précieux.
  • Inconvénients : ces questions doivent être utilisées soigneusement, et une poignée de fois par enquête seulement. Elles peuvent sinon se révéler trop “lourdes” à appréhender pour les participants. Cependant, elles ne sont pas bloquantes non plus, puisque les participants ont tendance à sauter plus facilement ces questions s’ils bloquent dessus (à condition bien sûr que celles-ci soient optionnelles).

Les mécanismes puissants sont :

Invention

Il s’agit ici “d’inventer” une réponse dans un champ des possibles infini ou indéfini. Il n’y a donc pas de liste de réponses possibles ou de réponses logiques ou intuitives : il faut faire appel à sa créativité ! Les questions invention permettent ainsi d’identifier des solutions à un problème, des actions à mettre en oeuvre, de se projeter dans le futur, de collecter des questions, des sujets à traiter, des commentaires… En voici quelques exemples :

  • Qu’auraient dû faire en plus l’entreprise et votre équipe pour favoriser votre intégration ?
  • Quelles actions devrions-nous mettre en oeuvre pour […] ?
  • Comment pourrait-on réduire le gaspillage de notre enseigne ?
  • Quelle questions aimeriez-vous poser à la direction ?

Par définition, une question invention est forcément une question ouverte.

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Engagement

L’engagement, enfin, fonctionne différemment des autres : il ne s’agit pas pour le répondant de donner une réponse, mais plutôt de s’engager. Il s’engage ainsi à faire quelque chose, il s’engage dans un processus… Le mécanisme d’engagement peut ainsi demander au participant d’effectuer une action engageante (effectuer un achat, laisser ses coordonnées, se porter volontaire…) ou d’affirmer son engagement sur un sujet, une action… En voici quelques exemples :

  • Quel changement allez-vous entreprendre dès demain ?
  • Qu’êtes-vous prêt à faire pour […] ?
  • Souhaitez-vous faire partie des beta-testeurs de notre produit ? Oui, Non
  • Nous autorisez-vous à vous contacter par téléphone pour approfondir vos réponses ? Oui, Non

Les questions d’engagement peuvent être des questions ouvertes ou fermées.

L’utilisation des mécanismes de réponse

Notez bien que, si j’ai classé ces mécanismes suivant une progression logique, cela ne préjuge pas de leur valeur : il n’y a pas un mécanisme qui vaut plus que les autres ! Chaque type de question, chaque mécanisme de réponse, a de la valeur à partir du moment où il sert votre objectif ! C’est même toujours la combinaison de différents mécanismes qui vous permettra le mieux d’atteindre l’objectif de votre enquête.

Mais concrètement, comment utilise-t-on ces mécanismes ? La connaissance, la compréhension et la maîtrise des 7 mécanismes de réponse vous permettra notamment :

  • D’alterner les mécanisme pour assurer un bon rythme à votre enquête : intéressante, pas trop répétitive, alternant moments de réflexion intense et de pause… Cette variété est votre meilleure arme pour garder intéressés les participants, et garder sous contrôle la survey fatigue.
  • De vérifier que vous utilisez bien des questions de complexité croissante afin de préparer le terrain.
  • De vous assurer que vous avez bien traité tous les aspects du sujet. Beaucoup d’enquêtes se contentent en effet de recueillir des faits et des jugements, sans faire appel à l’esprit de synthèse, l’analyse ou la créativité des participants !

Ne sous-estimez pas la puissance de ces mécanisme ! La plupart des enquêtes utilisent seulement 2 de ces 7 mécanismes, et ce n’est pas à leur avantage…

Vous avez envie d’utiliser pleinement le potentiel des mécanismes de réponse ?

Exemple d’utilisation

Voici un exemple d’enchaînement de questions mettant en évidence les mécanismes de question utilisés, pour améliorer le fonctionnement d’une équipe.

  1. Mesure du sentiment actuel d’efficacité collective de l’équipe (Jugement)
  2. Ce qu’il faut garder dans le fonctionnement actuel de l’équipe (Analyse)
  3. Ce dont il faudrait se débarrasser dans le fonctionnement actuel de l’équipe (Analyse)
  4. Ce qu’il faudrait commencer à faire au sein de l’équipe (Invention)
  5. Ce qu’ils vont faire, chacun individuellement, dès demain (Engagement)

PS : pour plus de clarté, j’ai utilisé ci-dessus les résultats attendus plutôt que la formulation “interrogative” des questions. Cette formulation allégée est à utiliser dans toute la phase de conception du questionnaire, mais ne sera pas présentée telle quelle aux participants.

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Pierre Simonnin

J'ai conçu et posé une bonne dizaine de milliers de questions depuis 2010. A travers ce site, je veux partager mon expertise pour vous aider à réussir vos projets :)

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